Ce qui est marrant chez Grasset, c’est qu’ils peuvent publier un livre de Michel Onfray et quelques mois après sortir celui de Maurice G. Dantec. J’apprécie la plume philosophique de ces deux auteurs, bien qu’ils soient métaphysiquement aux antipodes l’un de l’autre, ce qui ne m’empêche pas d’être en désaccord avec eux sur certains points.
En attendant le troisième volume du « théâtre des opérations » de Dantec, parlons donc de « la puissance d’exister » de Michel Onfray. On attendait après son « traité d’athéologie » une présentation de sa vision politique d’une société athée post-moderne, ce livre en pose les bases.
L’exposé se divise en six parties :
Méthode
Ethique
Erotique
Esthétique
Bioéthique
Politique
Il est des auteurs comme Onfray capable de synthétiser pour un grand public des concepts parfois ardus pour celui-ci, avec un style agréable à lire. Proposer un ensemble cohérent, Onfray y réussit-il ? Sur les cinq premier chapitres, on pourrait en effet le conclure, mais il est des auteurs malgré leur talent, qui s’avèrent capable de saboter leur raisonnement en une vingtaine de page, Onfray est désormais de ceux-ci. Alors que ses détracteurs l’ont toujours attaqué sur le versant religieux, il se trouve que le point névralgique de sa pensée est ailleurs, ici dans son dernier chapitre « politique libertaire ». Politique et économie, voilà les maillons faibles de sa pensée, engoncé dans un gauchisme contradictoire, reflétant par bien des points l’ « anarchisme de gauche » français. Et là tous les poncifs sont de rigueur, le « libéral » est la bête à abattre, raccourcis faciles sur Stirner, réappropriation de Bakhounine dans le champs marxiste, citation de Toni Negri et Auguste Blanqui, critique de l’ « égoïsme » et de Hegel pour en reprendre les principes en fin de partie !
Sacrifiant son travail philosophique à l’idéologie communiste révolutionnaire, Onfray ruine sa crédibilité et sa rhétorique en une vingtaine de pages. Sur ce, quelques rappels à Mr Onfray sur l’anarchisme me paraissent nécessaire.
L’anarchisme est souvent définit de gauche en France et plus à droite chez les anglo-saxon, en réalité il n’est ni de l’un, ni de l’autre, l’anarchisme est d’abord une pensée politique libérale au sens fondateur du terme. Le principe du communisme a été de spolier les thèses sur la commune de l’anarchisme définies par Proudhon, Makho et Bakhounine. Ce dernier a été le premier à démontrer l’imposture de la dictature du prolétariat par Marx, et donc son adversaire le plus virulent contrairement à ce que le révisionnisme communiste révolutionnaire laisse entendre. Mr Onfray critique le mouvement libéral mais se réapproprie dans son champs idéologique des auteurs comme Bentham et Thoreau qui sont des libéraux individualistes, de plus vouloir faire cohabiter un Bentham et un Negri me parait une énormité antinomique. Son choix est très sélectif car bien sûr aucun penseur libéral anarchiste anglo-saxon (hormis Thoreau) ni figure, pourquoi ? Parce que Mr Onfray reste dans un anti-américanisme primaire véhiculé par son idéologie. De ce fait, quid des Spooner, Voltairine de Cleyre, Spencer, Warren …et de même en France où sont donc passés les Bastiat, Molinari, Bellegarigue…arrêtons de passer l’anarchisme au filtre du communisme ! Vers la fin, après avoir discrédité Stirner parce que Mussolini le lisait ( au passage on rappellera que Benito était un syndicaliste révolutionnaire socialiste à la base !), il en reprend l’ « association d’égoïste », comment l’hôpital se fout de la charité ! Le communisme révolutionnaire n’a jamais eu d’autres idées que celles empruntées aux autres, quoi de plus logique pour ceux qui haïssent la propriété et le capital intellectuel. Je terminerai sur le prétendu « Nietzschéisme de gauche », pourquoi se terme, pourquoi accoler « de gauche » à Nietzsche ? Parce que tout comme il y a une lecture fascisante de Nietzsche (Nazi), il y a aussi une lecture égalitariste (Communiste révolutionnaire), toutes les deux relèvent de la déformation des concepts philosophiques de Nietzsche et montrent quelles n’ont pas compris le sens du terme « valeur ». Dans sa visée intellectualiste et utopiste, Onfray nous cite Rabelais et son abbaye de Thélème (exemple cher à Crowley), oubliant de rappeler que celle-ci par d’un présupposé, tous les membres sont d’un haut niveau d’éducation et de culture, une élite. Or chaque élite se sélectionne selon ses valeurs et forment des communautés qui reliées dans un ensemble politique se nomme : oligarchie !
Pour conclure, je dirai à Mr Onfray qu’il accorde son éthique avec sa démarche marchande chez Grasset, qu’il applique donc à lui-même son idéologie politique, qu’il fasse plaisir (utilitarisme/hédonisme !) aux lecteurs par la gratuité de son livre, car dans ce marché libéral consumériste quelle valeur sinon dois-je lui accorder ?